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Bombe tarifaire Trump 2.0 : Pourquoi les équipementiers automobiles coréens fuient vers le Vietnam

Les équipementiers coréens choisissent le 'blanchiment via un pays tiers' pour éviter les taxes de 25%. Le département du commerce américain annonce des frappes de précision face à l'explosion des exportations détournées via le Vietnam.

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Published on · 13 min read
Vue animée d'une usine de pièces automobiles coréennes dans la zone industrielle de Haiphong au Vietnam et scènes de chargement de conteneurs
Image: Image générée pour l'illustration, pas une photo réelle.

“Ni les États-Unis, ni la Corée”… Les équipementiers K choisissent le “blanchiment via un tiers” pour survivre

“Je vais imposer 25% de droits de douane.” Sur une simple phrase du président Trump, les zones industrielles d’Ulsan et de Changwon se sont figées. Pourtant, ce ne sont pas Hyundai ou Kia, mais les sous-traitants de 2e et 3e rang qui plient bagage en silence. Leur destination n’est pas les États-Unis, mais le Vietnam. Pourquoi fuient-ils vers l’Asie du Sud-Est pour échapper au regard de Trump ?

Le détournement tarifaire, le secret du “Label Vietnam”

L’administration Trump 2.0 a annoncé des droits de douane de 25% même sur les pièces automobiles sud-coréennes. Pour les petits et moyens équipementiers dont la marge bénéficiaire avoisine à peine les 5%, c’est un arrêt de mort. Cependant, le Vietnam s’efforce de maintenir des relations commerciales amicales avec les États-Unis, et ses barrières tarifaires sont relativement plus basses ou négociables. Les équipementiers coréens tentent une stratégie de contournement, le “blanchiment d’origine”, en envoyant des produits semi-finis au Vietnam pour les assembler et les exporter aux États-Unis avec l’étiquette “Made in Vietnam”.

Ce n’est pas seulement une question de droits de douane. Les coûts de main-d’œuvre élevés en Corée et la rigidité de la semaine de 52 heures étouffaient déjà les PME. Le coût de la main-d’œuvre dans la zone industrielle de Haiphong au Vietnam est un cinquième de celui de la Corée. Le dirigeant d’un équipementier confie : “Même sans les droits de douane, nous étions déjà déficitaires en Corée. Trump nous a simplement poussés dans le dos.” Le départ pour le Vietnam n’est pas un choix, mais un dernier refuge pour la survie.

La stratégie “Post-Corée” de Hyundai et l’effet de ruissellement Hyundai et Kia étendent également leurs bases de production dans l’ASEAN, notamment en Indonésie et au Vietnam. Si les constructeurs automobiles augmentent leur production locale, les fournisseurs n’ont d’autre choix que de suivre. Alors que les usines d’Ulsan se vident, les complexes de pièces coréennes au Vietnam tournent 24 heures sur 24. Cela signifie une accélération de la désindustrialisation (Hollowing out) nationale.

Les incitations radicales du gouvernement vietnamien Le gouvernement vietnamien offre des avantages exceptionnels, tels que l’exonération de l’impôt sur les sociétés et la location gratuite de terrains, pour attirer les entreprises coréennes. Le Vietnam, qui cherche à profiter des retombées du conflit sino-américain, veut s’imposer non seulement comme le “Post-Chine” mais comme une “base de production mondiale”. Pour les équipementiers coréens, le Vietnam ressemble à une terre d’opportunités. Du moins, jusqu’à présent.

Cependant, le simple fait d’assembler le produit final au Vietnam ne garantit pas la reconnaissance de l’origine. Il faut satisfaire aux critères de valeur ajoutée (Value Added), mais il est peu probable que des usines déménagées à la hâte puissent les respecter correctement. Des rapports font état d’un transbordement (Transshipment) illégal généralisé, qui n’est en fait qu’un simple “changement d’étiquette”.

Le radar de la “Super Section 301” américaine en action

Le problème est que les États-Unis ne sont pas dupes. Le département du Commerce et le Représentant américain au commerce (USTR) ont déjà qualifié les exportations détournées via le Vietnam et le Mexique de “transbordement” et ont annoncé des frappes de précision.

L’avertissement de Trump : “Bombe tarifaire sur les exportations détournées”

Le président Trump a récemment averti via Twitter (X) : “Nous connaissons toutes les pièces coréennes et chinoises qui entrent via le Vietnam. Nous leur imposerons 100% de droits de douane.” Le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis (CBP) a considérablement renforcé la vérification de l’origine des cargaisons importées du Vietnam.

Les fabricants de pneus et de batteries coréens déjà implantés au Vietnam sont en panique. Le département du Commerce américain a lancé une enquête antidumping sur les entités vietnamiennes d’origine coréenne. La peur que “même les usines vietnamiennes ne soient plus des zones sûres” se propage.

L’envoi d’équipes d’enquête sur place Les États-Unis envoient des équipes d’enquête au Vietnam pour comparer la capacité de production réelle des usines avec les volumes d’exportation. Si le volume des exportations est anormalement élevé par rapport à la taille de l’usine, c’est la preuve que des produits finis ont été importés de Corée et simplement réemballés. En cas de détection, les pénalités sont fatales : non seulement une bombe tarifaire, mais aussi une exclusion permanente du marché américain.

Le gouvernement coréen se trouve dans une impasse. Empêcher les exportations détournées des entreprises ferait chuter les résultats à l’exportation, mais laisser faire fait craindre des représailles commerciales américaines. Le ministère du Commerce, de l’Industrie et de l’Énergie répète sa position de principe : “Nous guiderons les entreprises pour qu’elles respectent les règles d’origine.”

Le gouvernement vietnamien commence également à prendre conscience de la pression américaine. Avec l’augmentation rapide de l’excédent commercial avec les États-Unis, le Vietnam est devenu une cible pour la désignation comme manipulateur de devises. On ne peut exclure la possibilité que le Vietnam régule ou réprime lui-même les exportations détournées des entreprises coréennes pour ses propres intérêts.

L’effondrement de l’écosystème national des pièces automobiles

L’exode des équipementiers entraîne l’effondrement de la base industrielle nationale. L’économie locale des villes automobiles comme Ulsan, Changwon et Gunsan vacille.

Les zones industrielles deviennent des “villes fantômes”

Le taux d’exploitation du complexe industriel national de Changwon a chuté à 60%. Les usines sont mises en vente en masse, mais il n’y a pas d’acheteurs. Les petites entreprises de 2e rang et en dessous sont au bord de la faillite en chaîne. Les travailleurs perdent leur emploi et sont poussés vers des services de chauffeur désigné ou de livraison.

Avec le transfert des équipementiers au Vietnam, les technologies de fabrication clés fuient également. Si la main-d’œuvre locale vietnamienne acquiert ces technologies, elle deviendra bientôt un concurrent menaçant pour les entreprises coréennes. Comme la Chine l’a fait, le Vietnam vise également un effet de “siphon technologique”.

Affaiblissement des capacités de R&D Si la base de production part à l’étranger, les capacités de recherche et développement (R&D) s’affaibliront inévitablement car le feedback avec le terrain est coupé. Si l’écosystème des pièces, qui jouait le rôle de colonne vertébrale de l’industrie automobile coréenne, s’effondre, la compétitivité des constructeurs automobiles ne peut être garantie.

Les entreprises qui restent en Corée et tentent de produire honnêtement subissent une discrimination inverse. Elles doivent supporter des coûts élevés et le fardeau des droits de douane. Les mesures de soutien du gouvernement sont minimes et la pression à la baisse sur les prix unitaires de la part des grands groupes persiste. Des voix cyniques s’élèvent : “Être patriote, c’est faire faillite.”

Cette crise est amplifiée par la transition vers les véhicules électriques (VE). Les fabricants de pièces pour moteurs à combustion interne voient leurs commandes diminuer, et s’ajoute à cela la barrière tarifaire, créant une double peine. Loin d’avoir la capacité d’investir pour la transition vers les voitures du futur, leur survie immédiate est en jeu.

N’y a-t-il pas de troisième voie : Mexique vs Entrée directe aux USA

Si la voie du Vietnam est bloquée, quelle est l’alternative ? Le Mexique et le territoire américain sont évoqués, mais chacun comporte des risques.

Les avantages et les pièges de l’ACEUM (Mexique)

En vertu de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), les produits fabriqués au Mexique peuvent bénéficier d’une exonération de droits de douane. Les équipementiers affluent vers la région de Monterrey, où se trouve l’usine Kia au Mexique. Mais Trump a menacé d’imposer “100% de droits de douane sur les voitures mexicaines” et a laissé entendre une renégociation de l’ACEUM. Le Mexique présente aussi une grande incertitude.

Le moyen le plus sûr est de construire une usine aux États-Unis. Mais pour les PME, les coûts de main-d’œuvre et de construction meurtriers aux États-Unis, ainsi que les problèmes syndicaux, sont des obstacles insurmontables. C’est un scénario impossible sans le soutien financier des grands groupes ou une entrée conjointe.

  1. Retour en Corée via les “Usines Intelligentes” : Le gouvernement encourage le retour (Reshoring) des entreprises via le soutien aux usines intelligentes. L’idée est d’augmenter la compétitivité de la production nationale en réduisant les coûts de main-d’œuvre grâce à l’automatisation robotisée. Cependant, les coûts d’investissement initiaux sont trop élevés et cela ne permet pas de surmonter la barrière tarifaire elle-même.
  2. Diversification des exportations : Il faut se tourner vers le marché indien en croissance, le Moyen-Orient et le marché intérieur de l’ASEAN. Mais il est difficile de remplacer le gigantesque marché américain à court terme.

Pour réaliser des économies d’échelle, la fusion entre équipementiers est inévitable. Les entreprises non compétitives doivent être liquidées, et celles disposant de technologies doivent s’unir pour survivre. La création urgente d’un fonds de restructuration dirigé par le gouvernement est nécessaire.

La montée de la Chine et la guerre mondiale de la chaîne d’approvisionnement

Pendant que les équipementiers coréens hésitent, les entreprises chinoises s’engouffrent dans la brèche.

L’offensive à bas prix des pièces chinoises

Les équipementiers chinois grignotent le marché mondial avec une compétitivité-prix écrasante. De plus en plus d’entreprises chinoises construisent des usines au Mexique pour entrer aux États-Unis en “blanchissant” leurs produits comme “mexicains”. Les entreprises coréennes sont prises en sandwich, tant sur les prix que sur la technologie.

La pression pour dé-siniser la chaîne d’approvisionnement des batteries Les États-Unis tentent d’exclure la Chine de la chaîne d’approvisionnement des batteries via l’IRA (Loi sur la réduction de l’inflation). C’est à la fois une opportunité et une crise pour les entreprises coréennes, car elles ont la tâche de réduire leur dépendance aux minerais chinois. Le coût de la réorganisation de la chaîne d’approvisionnement incombe entièrement aux entreprises.

L’industrie automobile japonaise, ressuscitée grâce à la popularité des hybrides, augmente sa part de marché grâce à une chaîne d’approvisionnement solide. Ajouté à l’effet de la faiblesse du yen, le Japon menace la Corée même sur la compétitivité-prix.

L’Europe élève les barrières non tarifaires via des réglementations environnementales comme le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Les équipementiers coréens doivent même supporter les coûts de certification écologique.

L’ère du libre-échange est révolue. Il faut désormais survivre au sein de blocs économiques. Il manque une stratégie nationale sur le bloc auquel la Corée appartiendra et le rôle qu’elle y jouera.

Risques politiques et incertitude de gestion

Les risques politiques extérieurs à la gestion entravent les entreprises.

Les montagnes russes selon les résultats de l’élection américaine

Les politiques changent du tout au tout selon le résultat de l’élection américaine. Les entreprises ne peuvent pas faire d’investissements à long terme. L’incertitude elle-même est le plus grand coût.

La classe politique coréenne, absorbée par les luttes partisanes, ignore les difficultés des entreprises. La déréglementation ou la réforme du travail sont reléguées au second plan. Les entrepreneurs se plaignent que “la politique entrave l’économie”.

Risque syndical et luttes dures Le risque de grève des syndicats durs, comme celui de Hyundai Motor, persiste. Les équipementiers doivent répéter les arrêts et les reprises de production au gré des grèves des syndicats des constructeurs. C’est l’une des raisons pour lesquelles ils veulent quitter la Corée, où une production stable n’est pas garantie.

De nombreux petits et moyens équipementiers sont confrontés à des problèmes de succession en raison du vieillissement des fondateurs. Accablés par des droits de succession excessifs, les cas d’abandon de la succession familiale et de vente ou fermeture de l’entreprise se multiplient.

Les risques géopolitiques tels que la détérioration des relations intercoréennes et la crise du détroit de Taïwan découragent également les investissements en Corée. Les investisseurs étrangers retirent leurs fonds en disant que “la Corée est dangereuse”.

L’équation de survie à l’ère de la voiture du futur

En fin de compte, la seule issue est l’innovation technologique. Une transition audacieuse des pièces de moteur à combustion interne vers les pièces de véhicules du futur est nécessaire.

Transition vers les véhicules définis par logiciel (SDV)

Le logiciel devient plus important que le matériel automobile. Les équipementiers doivent également sortir de la simple fabrication pour acquérir des capacités logicielles. Ils doivent diversifier leur portefeuille avec des composants électroniques, des capteurs et des modules de conduite autonome.

Il faut développer des technologies à haute valeur ajoutée avec des barrières à l’entrée élevées, comme les matériaux légers et les pièces à haute résistance thermique. Il faut créer un écart technologique (Super Gap) que la Chine ne pourra pas combler.

  • Extension des débouchés mondiaux : Il faut réduire la dépendance à Hyundai et ouvrir des débouchés vers des constructeurs mondiaux comme Tesla, BMW et Volkswagen. Si la technologie est là, les opportunités sont ouvertes.
  • Écosystème de coopération industrie-université-recherche : Les universités, les instituts de recherche et les entreprises doivent coopérer pour sécuriser les technologies originales. Le gouvernement doit concentrer son soutien financier sur cette coopération R&D.

Il faut injecter un ADN d’innovation en collaborant avec des startups à la pensée flexible. La culture organisationnelle rigide actuelle ne permet pas de répondre à un marché en mutation rapide.

En sandwich, cultiver une capacité de survie autonome

Les PME sont dans une impasse : “Pas d’argent pour construire une usine aux USA, et bombe tarifaire si on reste en Corée”. L’effondrement de l’écosystème des pièces coréennes, qui n’a pas su cultiver sa propre compétitivité en ne regardant que le grand groupe (Hyundai), se déroule silencieusement dans la jungle vietnamienne.

Le risque Trump est une constante

À l’ère de Trump 2.0, le protectionnisme n’est pas un phénomène temporaire mais la “Nouvelle Normale” (New Normal). Les astuces pour éviter les droits de douane ne fonctionnent plus. Il faut construire une douve technologique (Moat) capable de percer par la voie royale.

La diplomatie commerciale du gouvernement est cruciale

C’est un problème qu’une entreprise individuelle ne peut résoudre. Le gouvernement doit intervenir et négocier avec les États-Unis pour obtenir des clauses d’exception pour les pièces coréennes ou garantir des quotas. La sagesse de convertir la rhétorique diplomatique soulignant l‘“alliance par le sang” en intérêts économiques pragmatiques est nécessaire.

Transformer la crise en opportunité : Le “Golden Time” de la réforme structurelle

Il faut saisir cette crise comme une opportunité pour réorganiser l’industrie des pièces. Il faut sortir de la structure de simple sous-traitance pour renaître en tant qu’équipementier mondial avec sa propre marque. Cela impliquera une douleur atroce, mais si nous ne changeons pas maintenant, il n’y a pas d’avenir pour l’industrie automobile coréenne.

2026, la liste des survivants

En 2026, quelle sera la destination des conteneurs quittant le port d’Ulsan ? Et contiendront-ils la fierté du “Made in Korea” ou les traces d’une lutte larmoyante ayant blanchi sa nationalité pour survivre ? Le temps ne joue pas en notre faveur.

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Park Min-woo

Park Min-woo

Analyse les tendances macroéconomiques et les évolutions des marchés financiers pour fournir des perspectives pratiques. Vise à rendre les enjeux économiques complexes accessibles.

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